La couleur pourpre, le film de la maturité pour Spielberg

Le succès de Steven Spielberg a déjà attisé beaucoup de jalousie. La critique est rarement tendre avec le cinéaste qui ne réalise que des films à grand spectacle pour le public le plus large possible. Une vision très réductrice de son travail, mais en 1985, il ne possède pas encore cette unanimité de la part de la profession.

Un sujet difficile

Après la suite de INDIANA JONES, Kathleen Kennedy insista auprès de Steven Spielberg pour qu’il lise le roman écrit par Alice Walker intitulé LA COULEUR POURPRE. Femme réservée et recluse, l’auteure rencontra Spielberg et Kennedy qui apaisèrent ses doutes

sur la nature du projet. Elle assista d’ailleurs à une bonne partie du tournage, montrant aux acteurs comment on parlait du vingtième siècle et motivant l’équipe par sa seule présence.

L’histoire, complexe, met en en scène un groupe de femmes noires maltraitées par leurs maris, mais qui finissent par triompher du machisme et vivre de façon à peu près acceptable malgré leur condition. L’héroïne principale, Celie (Whoopi Goldberg), violée dans son enfance puis malmenée par son époux Albert (Danny Glover), trouvera le salut dans ses relations amicales avec trois femmes : la maîtresse de son mari, la chanteuse de blues Shug Avery (Margaret Avery), sa soeur cadette Netti (Akosua Busia), qui devient missionnaire en Afrique, et Sofia (Oprah Winfrey), forte personnalité qui se fera battre et emprisonner pour avoir manqué de respect à des membres de la classe dominante blanche du Sud.

Le film aborde le thème de la communication. Les femmes cherchent constamment à discuter entre elles des choses qui leur tiennent à coeur et pourraient les aider à changer leur vie. LA COULEUR POUPRE va néanmoins s’attirer beaucoup de haine. Il y aura notamment les protestations véhémentes des lobbies raciaux, choqués par la présentation négative du principal personnage masculin noir et par ce qu’ils considéraient comme une apologie du lesbianisme. Cette relation entre deux femmes est plus ouvertement affichée dans le roman que dans le film. « Je m’en suis tenu à un biaser entre les deux femmes, car je n’étais pas prêt à aller plus loin« , expliqua Steven Spielberg.

Spielberg sous pression

Le cinéaste s’est mis une pression assez grande sur les épaules. Il avait notamment peur d’édulcorer le roman, de ne pas assez montrer la puissance dramaturgique du récit. « Parce que j’avais peur de moi-même, peur d’édulcorer le livre. En tournant le film en noir et blanc, j’évitais le côté édulcoré. ». Finalement, il optera pour la couleur, tournant le film avec une esthétique très stylisée.

Autre pression à subir, celle de la communauté Noire qui ne voyaient pas d’un bon oeil qu’un Blanc se charge de la réalisation

d’un film dont le sujet ne le concernait pas. D’autant que Spielberg sait pertinemment qu’il a la réputation de tourner des sujets plus légers. Nombre de ses détracteurs, notamment dans la communauté Noire, ne manquaient d’ailleurs pas de lui rappeler ce qu’ils tenaient pour des défauts. Mais l’abnégation et la témérité légendaires du réalisateur vont le pousser à poursuivre le projet contre vents et marées.

Avec 142 millions de dollars de recettes mondiales, LA COULEUR POURPRE fut un grand succès et changea le statut de Spielberg. Malgré les onze nominations aux oscars (hormis pour meilleur réalisateur, ce qui énerva fortement Spielby), le film n’en remporta aucun. Toutefois, il s’est désormais imposé comme un réalisateur « sérieux » et plus personne n’osera prétendre qu’il était incapble de traiter de sujets graves de façon adéquate.

Laisser un commentaire