La forêt d’Emeraude, John Boorman et son rapport à la nature

Inspiré d’une histoire vraie, LA FORET D’EMERAUDE reste l’un des films les plus profonds de son auteur. S’appuyant sur un scénario écrit par Rospo Pallenberg, John Boorman livre une oeuvre d’une belle complexité thématique qui s’inscrit totalement dans une filmographie hautement recommandable.

Une histoire puissante

Bill Markham est un ingénieur américain venu construire un barrage hydraulique en bordure de la forêt amazonienne. Il s’installe avec sa femme Jean et leurs enfants Heather et Tommy. Ce dernier, âgé de 7 ans, est un jour enlevé tout près du chantier par une tribu d’indigènes locaux, les Invisibles. Dix ans ans plus tard, la construction du barrage est achevée. Bill et sa femme n’ont pas cessé de chercher leur fils, en vain. Sous le nom de « Tomme », Tommy a été élevé par la tribu selon leur culture. Devenu un jeune homme, il doit passer un rite de passage pour devenir un adulte. Pour cela, il doit partir seul dans la forêt afin d’y chercher des pierres dont la boue extraite permet à son clan d’être invisible. Les Invisibles sont par ailleurs menacés par une tribu ennemie, les Féroces, ainsi que par la déforestation favorisée par le barrage.

Comme dit en préambule, LA FORET D’EMERAUDE fut écrit suite à un article rédigé par Leonard Greenwood pour le Los Angeles Times en 1972. Celui-ci s’intéressait à un ingénieur péruvien dont le fils

avait été enlevé par des Indiens. John Boorman s’est épris de cette histoire, lui qui n’avait plus tourné depuis quatre ans : c’était pour EXCALIBUR, un film apprécié modérément à sa sortie, devenu au fil du temps une oeuvre culte. Quoi qu’il en soit, le cinéaste étudie avec attention son sujet tout en confiant le rôle de Tommy à son propre fils, Charley Boorman, âgé de 18 ans. Toute l’équipe embarque alors pour un tournage épique en pleine jungle.

Les vestiges du temps

Comme plusieurs autres cinéastes de son époque (comme Francis Ford Coppola ou Sergio Leone), John Boorman s’est constamment questionné sur le genre pour le détourner et lui permettre d’aller plus loin. Voilà un homme qui vient du documentaire et de la télévision, ce qui l’amène à mêler plusieurs styles visuels. On peut donc passer d’une sophistication cinématographique absolue (mouvements amples et souples de la caméra) à des séquences qui s’approchent plus fortement du documentaire (caméra à l’épaule comme un reporter qui viendrait rendre compte du monde). Son rapport à la nature est aussi évident et ce, depuis ses débuts. Dans LA FORET D’EMERAUDE, elle est même la pièce maîtresse du récit, structurant densément la mise en scène et fondant les personnages eux-mêmes.

La France fut particulièrement réceptive à l’histoire de Tommy puisque LA FORET DE L’EMERAUDE reste le plus gros succès de toute la carrière de John Boorman dans l’Hexagone (avec un cumul de 2 652 685 entrées lors de sa sortie en 1986). Trente-six ans plus tard, avec la dégradation évidente de notre environnement et de notre éco-système, ce film résonne encore plus fortement. D’ailleurs, on le voit aujourd’hui comme un vestige du passé dans lequel se côtoie un grand nombre d’espèces animales qui sont désormais menacées ou malheureusement éteintes…

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