Gangs of New York, le projet fou de Martin Scorsese

Alors que sa vie personnelle a retrouvé un certain équilibre après la folie TITANIC, Leonardo DiCaprio s’interroge sur sa vie professionnelle. Il sait qu’il n’a pas encore convaincu la critique qu’il pourrait survivre aux retombées du chef-d’oeuvre de James Cameron. C’est à ce moment précis que l’un des réalisateurs les plus respectés et expérimentés d’Hollywood le choisit pour interpréter le rôle principal de son prochain film, GANGS OF NEW YORK. Une chance inouïe pour Leo qui a toujours rêvé de tourner avec celui qu’il considère comme une légende du 7ème art. 

Scorsese rencontre DiCaprio

Pour le réalisateur, il s’agit de concrétiser une idée qu’il a nourri pendant vingt années : tourner un film sur le quartier de Five Points, à New York, au milieu du XIXème siècle. Scorsese avait mis de côté le nom de DiCaprio depuis qu’un certain Robert de Niro lui avait vanté les mérites du jeune homme. Un coup de pouce incroyable pour Leo qui apprend la nouvelle alors qu’il se trouve sur le tournage de LA PLAGE. Fou de joie, il se promet de tout donner pour saisir cette opportunité afin de montrer au grand Scorsese ce qu’il vaut. « Quand Martin  m’a dit que j’étais pris dans le film, ça été l’un des plus grands moments de ma vie« , déclare-t-il. Pour cet énorme projet, malgré la réputation de Scorsese, le budget est difficile à réunir. Sur le papier, le film est violent, long et sans concession. Il faudra attendre l’association avec un certain Harvey Weinstein pour que le budget nécessaire soit réuni. Au regard des standards de la réalisation de l’époque, la vision paraît en effet titanesque. Il prévoit, notamment, de reconstituer des quartiers entiers de New York vieux de plus de cent ans (voir photo ci-contre) ! La production a donc bâti des immeubles sur un terrain de six hectares dans les vastes studios de Cinecitta à Rome, sous la direction du chef décorateur Dante Ferretti, un protégé du grand Federico Fellini. 

Leonardo DiCaprio incarne Amsterdam Vallon, un immigré irlandais. Un autre rôle très important est à attribuer, celui de Bill le Boucher. Scorsese pense d’abord à Robert de Niro. Tel qu’il imagine son film, le cinéaste se dit que les deux acteurs seront parfaitement mis en valeur. Malheureusement, des retards seront à déplorer, notamment au niveau des décors. De Niro, comprenant que

son engagement dépasserait de beaucoup les six mois prévus au départ, fut contraint de se retirer du film. Willem Dafoe est le second choix, mais il renonça également. Scorsese se tourna alors vers l’un des acteurs les plus fabuleux qui soit, Daniel Day-Lewis. Il fallut toute la persuasion du cinéaste pour sortir l’acteur oscarisé de sa retraite. Ce dernier, comme à son habitude, se jeta alors à corps perdu dans ce rôle si difficile. Pour être au niveau, Leo ne se ménage pas et se prépare autant physiquement que psychologiquement à son rôle. Dans le même temps, il s’engage déjà sur son prochain projet, le bien nommé ARRÊTE-MOI SI TU PEUX avec Steven Spielberg à la barre. Ce qui implique donc que l’acteur enchaînera deux énormes tournages l’un à la suite de l’autre. 

Une production sous tension

D’autant que les tensions se poursuivent en coulisses. Les délais de tournage s’allongent encore et les coûts de production augmentent de 25 %, pour atteindre la barre des 100 millions de dollars ! Au vu de toute cette somme dépensée, Weinstein impose à Scorsese une version plus rentable, moins longue et moins complexe afin de maximiser les recettes futures. Evidemment, le cinéaste s’oppose à cette idée et le fait savoir. C’est alors qu’il s’associa avec son acteur principal pour financer les surcoûts engendrés par le dépassement des délais de tournage. Un geste fort de la part de Leo qui démontre toute sa motivation à aller au bout des projets dans lesquels il s’engage. Mais les ardeurs d’Harvey Weinstein ne seront pas calmés quand il découvrira, bouche bée, une version du film qui durait 3h40 ! Frappé par la complexité du film, il sort alors de ses gonds et se confronte une nouvelle fois à Scorsese. Les deux hommes s’affrontent et ne sont clairement plus sur la même longueur d’ondes. D’autant que les problèmes ne vont pas s’arrêter là…

Une fois le tournage terminé, il fallut résoudre une nouvelle équation. Le film devait initialement sortir en décembre 2001. Or, certains passages mettaient en scène des pompiers corrompus qui participaient à une émeute, ainsi qu’un officier de police pendu à un réverbère. Des images qui risquaient de heurter les spectateurs après le 11 septembre. MIRAMAX accepte alors de repousser la sortie au mois de juillet 2002 pour laisser le temps à Scorsese d’effectuer les coupes nécessaires. Mais même dans ce conditions, le montage représentait un travail de titan. Le film prend encore du retard et est reporté à Noël 2022. Le (gros) problème ? GANGS OF NEW YORK se retrouve alors en face de… ARRÊTE-MOI SI TU PEUX ! Leo doit donc jongler entre deux promos et deux projets de grandes envergures. Finalement, MIRAMAX décalera le film de cinq jours. Il sort le 20 décembre 2002 et subira des avis mitigés. En revanche, l’interprétation de DiCaprio est saluée, mais pas autant que celle de Daniel Day-Lewis qui est qualifiée de « prodigieuse« . Avec seulement 193,6 millions de dollars de recettes au compteur, GANGS OF NEW YORK n’est pas un grand succès, mais sera largement réhabilité au fil du temps. Aujourd’hui, on peut réellement se demander comment le monde est passé à côté de ce film grandiose, peut-être le plus fou et ambitieux de Scorsese. Rien que ça.​

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