Les frères Sisters, Jacques Audiard et sa vision du western

Tout commence dans la pénombre. Des murmures se font entendre puis des coups de feu que l’on voit au loin et qui illumine partiellement l’écran. Le film de Jacques Audiard a commencé et vient de poser les bases du vrai récit qu’il va mettre en scène : partir de l’ombre pour aller vers la lumière.

Lors de son premier acte, LES FRERES SISTERS ressuscite toute l’imagerie du western. On nous présente donc Eli et Charlie Sisters, deux frères tueurs à gages qui partent pour une mission

commanditée par le mystérieux Commodore, ombre du mal que l’on ne verra que furtivement. Pourtant, il tient une grande place dans le récit puisque son nom est connu de tous et que les quatre personnages du scénario tentent d’échapper, d’une manière ou d’une autre, à son emprise. Le classicisme du début se laisse aller dans quelques passages obligés, du saloon à la fusillade contre des mercenaires, de ces chevaux traversant de somptueux paysages aux chercheurs d’or. Mais il ne faut pas s’y fier : Audiard se sert de son genre pour en tirer un fond émotionnel d’une puissance évocatrice magistrale.

Le montage alterne entre les poursuivants (les frères) et les poursuivis (le scientifique Warm, la cible, et le détective Morris qui change au contact du premier) alors que les états d’âme de chacun commence à prendre une place importante. Le passé ressurgit, fragment de quelques blessures qui ont fini par définir leur présent, et tend à reprendre sa place dans l’esprit de tous. Ainsi, Eli Sisters, l’aîné (John C.Reilly), entame son chemin vers la lumière et ne pense qu’à un retour chez lui, débarrassé du Commodore. Charlie (Joaquin Phoenix) est plus violent, plus avide et ressemble malgré lui à son paternel. L’intrigue s’enrichit de séquence en séquence, les thématiques se multiplient. Les échanges sont brusques et parfois tétanisants comme cette scène au restaurant entre les deux frères qui subie une montée en tension insidieuse.

Finalement, LES FRERES SISTERS se vit comme une expérience humaine d’une beauté finale époustouflante. Les quinze dernières minutes forment ainsi une note plus amère et paradoxalement plus douce qui sublime plus encore le film. Porté par un casting évidemment parfait (John C. Reilly va vous filer des frissons), le long-métrage d’Audiard est une réussite incontestable et peut-être même l’un des meilleurs de sa filmographie. Rien que ça.

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