La vie et rien d’autre, Philippe Noiret au sommet chez Tavernier

Les difficultés pour monter un film sont toujours plus ou moins grandes. Quand Bertrand Tavernier décide de monter LA VIE ET RIEN D’AUTRE, il a déjà 25 ans de carrière derrière lui. Ce qui ne l’empêchera pas de voir les refus s’enchaîner.

Le cinéaste décide de plonger dans la première guerre mondiale en racontant une partie méconnue de l’Histoire. Il revient sur l’année 1920, où s’opère le recensement des soldats français toujours portés disparus deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, environ 350 000, auquel vient s’ajouter la recherche de la dépouille du poilu qui sera le Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe. L’intérêt de Tavernier pour le sujet remonte à sa lecture d’un livre écrit par Didier Daeninckx, LA DER DES DERS. Le lecteur est plongé dans l’immédiat d’après-guerre et suit les aventures d’un ancien combattant qui a eu l’idée de se reconvertir en détective privé. Le cinéaste demandera à Jean Cosmos, grand auteur, de rédiger une historie qui, au fil des archives, le mènera à créer le personnage de Dellaphane, officier à qui les autorités confie une mission qu’il tient à remplir. La mise en place sous l’Arc de Triomphe d’une tombe du Soldat Inconnu est alors considérée par l’officier comme une supercherie, car à l’antithèse de la mission qu’on lui confiée.   

Le grand Philippe Noiret prête ses traits à cette homme fort qui tente de faire émerger une vérité que les autorités préféreraient enfouir à jamais. Malgré le sujet, Bertrand Tavernier ne parvient pas à rassembler l’argent nécessaire pour mettre en boîte le film. Défendu par son producteur, René Cleitman, LA VIE ET RIEN D’AUTRE fait peur aux diffuseurs et aux financiers qui préfèrent ne pas s’engager sur un projet très ambitieux. Les chaînes de télévision, frileuses, ne prennent pas le risque de perdre quelques milliers de francs (monnaie de l’époque) pour un film qui ne représente pas un bon programme de « prime time ».

C’est ici que l’on remarque l’amour du cinéma qui parcoure chaque actif de l’équipe. Les techniciens sont payés au minimum syndical tandis que les membres de la production renoncent aux divers pourcentages. Philippe Noiret fait même le sacrifice de son salaire qu’il placera dans le film lui-même. Grand bien lui a pris car il remportera le césar du meilleur acteur quelques mois plus tard. 

Sublimé par la bande-originale exceptionnelle composée par Oswald Andrea (qui glanera également un césar), LA VIE ET RIEN D’AUTRE semble être mis de côté dans notre panthéon national, comme si le film dérangeait encore plus de trente ans après… Connu pour son attachement au réalisme, Tavernier met tout en oeuvre pour que chaque élément, chaque décor, chaque costume soit historiquement juste. C’est l’image qui véhicule le contexte historique, la force de la mise en scène ouvrant les portes de l’Histoire aux spectateurs. Un grand spectacle qui ne plaira pas à tous les historiens (le conflit entre le cinéma et ces derniers a toujours été assez prégnant), mais qui marquera les cinéphiles. Résultat, LA VIE ET RIEN D’AUTRE reste encore aujourd’hui le deuxième plus gros succès de la carrière de Tavernier avec 1,5 million de spectateurs, derrière les 2 millions de COUP DE TORCHON. 

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