Cérémonie secrète, Elizabeth Taylor et Robert Mitchum chez Joseph Losey

Sorti en 1969, CEREMONIE SECRETE est réalisé par Joseph Losey et porté par deux immenses acteurs : Elizabeth Taylor et Robert Mitchum. L’excellente Mia Farrow complète la distribution d’un film aussi fascinant qu’inquiétant. 

Taylor interprète Leonora, une prostituée qui a perdu sa fille quelques années auparavant. Alors qu’elle se rend sur la tombe de cette dernière, elle s’aperçoit qu’une jeune fille n’arrête pas de la suivre. Elle se nomme Cenci et Leonora va dès lors entrer dans son jeu et dans sa vie : La première croit que la seconde est sa mère, pourtant elle aussi décédée. Une étrange danse morbide s’active devant la caméra de Losey qui nous perd facilement dans son univers froid et cérébral. Le labyrinthe philosophique qui s’ouvre devant nous est sujet à toutes les interprétations possibles. Dès la première séquence, des éléments sont perturbants, tout comme la rencontre entre Cenci et Leonora soulève également des questions. On comprend rapidement que le spectateur ne sera pas pris par la main et devra faire son cheminement seul. 

Arrive ensuite Robert Mitchum dans la peau de l’inquiétant Albert venant troubler davantage cette atmosphère de film d’horreur psychologique. Ici, le sous-texte est terrifiant et notre imagination complète un tableau déjà noir (en parlant de tableau, le « monstre » de Cenci ressemble étrangement à Albert…). Leonora et Cenci ne font-elles qu’une ? Seraient-ce ici les souvenirs douloureux d’une femme marquée par un événement traumatisant ? Le cinéaste ne dira rien et fermera la porte à toutes explications. Devant le film, j’admets m’être questionné à de nombreuses reprises et notamment par rapport à la rencontre dans le bus qui semble frontalement étrange. Leonora ne paraît pas surprise de voir une fille s’asseoir à côté d’elle en train de la fixer de longues minutes. C’est une bascule qui s’opère, un mouvement de décision qui n’appartient qu’aux spectateurs car une autre histoire peut très bien s’imprimer, celle de Cenci qui souffre d’un profond traumatisme et, en parallèle, une Leonora obsédée par le fait de s’occuper d’elle comme de sa propre fille. D’ailleurs, la longue séquence dans l’hôtel à la plage est peut-être la solution à l’énigme du film. Le rapport à la maternité, la rencontre avec Albert, la féminité qui semble meurtrie dans la

chair. On peut pratiquement s’imaginer le pire dans cette transition qui évoque une idée terrifiante : celle du viol de la jeune Leonora. Enfin, une idée qui se tient si la première théorie est la bonne (mais en existe-t-il vraiment une ?).

Elizabeth Taylor livre une prestation exemplaire, exposant les nuances d’un personnage complexe avec un charisme hors du commun. Son profond regard se plonge dans le notre et paraît s’interroger sur sa propre nature. Les photos qui parsèment l’ensemble du long-métrage interrogent et laissent planer le doute sur la nature même du récit. En face de l’actrice, Mia Farrow, vingt-quatre ans à l’époque, est aussi troublante que son personnage. Quand à Robert Mitchum, il parvient à distiller une forme de malaise en une poignée de d’apparitions. Serait-ce lui le socle de toute cette histoire ? L’homme responsable de tous les maux ? 

De nombreuses frustrations ressortent à la fin du film. Cette clé de compréhension ne nous ait pas offerte et c’est probablement ce qui a rebuté de nombreux cinéphiles qui se grattent encore la tête pour comprendre ce thriller psychologique bavard et étiré. CEREMONIE SECRETE reste pourtant une oeuvre fascinante qui n’a pas fini de nous questionner sur notre propre perception…​

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