La fille de Ryan, une grande odyssée cinématographique

Nous sommes en 1970 et LA FILLE DE RYAN est sur le point de sortir. L’Histoire retiendra que David Lean signe là son avant-dernier film avant de s’éloigner des plateaux durant quatorze ans pour finalement mettre en scène LA ROUTE DES INDES, ultime récit d’un réalisateur magnifique. 

LA FILLE DE RYAN arrive après un tiercé gagnant avec les gros succès de LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ, LAWRENCE D’ARABIE et DOCTEUR JIVAGO. Trois chefs-d’oeuvre pour lesquels le cinéaste fut à juste titre très glorifié. Forcément, il peut entreprendre tout ce dont il a envie et la MGM lui offre un pont d’or dans le secret espoir de réitérer la performance au box-office de DOCTEUR JIVAGO. L’idée de Lean est de mettre en scène une variation du fameux roman écrit par Gustave Flaubert, MADAME BOVARY. Située lors de la Première Guerre Mondiale, l’histoire prend ses racines à Kirrary, un petit village imaginaire situé dans la péninsule de Dingle, en Irlande. Les habitants ne reconnaissent qu’une seule autorité, celle de leur recteur. Rosy Ryan (Sarah Miles) y a grandi dans une condition un peu meilleure. Elle est la fille du propriétaire de la taverne locale, un intermédiaire qui a aidé à la préparation des Pâques sanglantes, mais aussi un indicateur pour le RIC, la police de l’occupant. Nourrie de lectures romanesques et de rêves, elle épouse en août 1917 Charles Shaughnessy (Robert Mitchum), le maître d’école, qui est son aîné de quinze ans, mais auquel elle voue un grand amour. Charles est très amoureux, mais elle ressent un manque que cette relation ne peut combler. C’est alors qu’elle rencontre le jeune major Randolph Doryan (Christopher Jones), qui, blessé au front, vient prendre le commandement de la garnison anglaise de la région. 

L’amour est le coeur battant de cette odyssée de trois heures qui réunit un trio d’acteurs incroyable. Une longue liste de comédiens fut établie durant la phase de casting. Pour le rôle de Charles Shaughnessy, c’est d’abord Marlon Brando qui est favori, la MGM voulant se payer l’une des plus grandes stars du moment. Mais Brando est trop occupé et décline l’offre malgré un chèque alléchant. Peter O’Toole est envisagé, lui qui avait travaillé sur LAWRENCE D’ARABIE avec Lean, puis Gregory Peck qui était très enthousiaste à l’idée de tourner dans le comté de Kerry, là où sa grand-mère est née. Le réalisateur refusera et se tournera vers Robert Mitchum, un acteur emblématique du film noir qui n’a pas son pareil pour rendre ambigüe un personnage. A l’époque, c’est aussi une immense star possédant une riche carrière. La MGM accepte facilement et la production peut alors démarrer en Irlande où le village de

Kirrary sera entièrement construit ! Des centaines d’ouvriers et artisans ont reconstitué un véritable village d’époque en bâtissant une école, une Eglise et des maisons qui disposaient d’intérieurs aménagés avec électricité, eau courante et cheminée à disposition. David Lean dispose d’un budget énorme, à hauteur de 13 millions de dollars (ce qui équivaut, aujourd’hui, à 90 millions de dollars). Sublime, grandiose, épique, sentimental, le film est déjà acquis à l’opinion populaire selon la MGM qui est certaine de tenir son carton. 

Malheureusement, le retour de bâton est très sévère. La confiance de David Sean est ébranlée suite à une succession de critiques assassines venant de la presse. Des mots souvent blessants qui finirent par l’éloigner des plateaux durant quatorze ans. Le succès n’est pas non plus à la hauteur des attentes, même si la MGM rentre dans ses frais en cumulant 31 millions de dollars. L’époque passe complètement à côté de ce chef-d’oeuvre absolu qui vibre toujours de la même puissance plus de cinquante après sa sortie. 

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