Les films d’espionnage, un genre en écho à la guerre froide

Situation internationale oblige, le cinéma des années 60-70 regorge d’histoires liées aux explosives relations Est-Ouest. Drames, comédies acides ou films d’action, les auteurs rivalisent d’inventivité.

Idéalement nommé LES ESPIONS, le film d’Henri-Georges Clouzot semble inaugurer en 1957 une longue lignée de films consacrés à cette profession qui stimule la curiosité des spectateurs comme celle des scénaristes. Dans un monde dominé par le déchirement de deux parties (le bloc ouest américain et l’est communiste russe), le film dit d’espionnage prend évidemment tout son sens quand on sait que c’est une pratique effectuée dans la réalité. Les espions russes et américains pullulent et une guerre d’idéologies commence. C’est là qu’entre en scène le plus célèbre espion du monde, esprit de l’héroïsme british : James Bond. En 1962, Sean Connery prête ses traits à 007 pour JAMES BOND CONTRE DR.NO qui lance véritablement le genre dans un nouvel élan. Avec trois constantes : le happy end, le recours aux effets spéciaux pour des scènes d’action de plus en plus impressionnantes et surtout un grand méchant qui met Bond à mal avant que ce dernier triomphe. La série est inégale, essaie parfois d’être plus sombre, mais garde finalement une superficialité presque assumée. L’agent 007 est inébranlable ou presque puisque celui incarné par Daniel Craig a montré qu’il pouvait aussi avoir des failles !

Mais la qualité descendante de la saga peut avoir un lien avec l’Histoire. La chute du Mur de Berlin et sa

représentation de la division, donne l’impression que Bond a un peu perdu sa raison d’être. Cependant, en parallèle, certains cinéastes hollywoodiens se font plus critiques à l’égard de cette vision angélique de la guerre froide, refusant ainsi le discours nationaliste et partisan des films d’espionnage américain. En 1962, John Frankenheimer réalise UN CRIME DANS LA TETE avec Franck Sinatra dans le rôle principal avec un scénario qui bouscule les lignes et les idées reçues : manipulé par les services secrets chinois, un soldat américain doit tuer le président des Etats-Unis. Remise en cause de services secrets, manipulation interne, ce film est un pur chef d’oeuvre de tension, d’une intelligence folle possédant une mise en scène redoutable de précision et d’efficacité. L’ESPION QUI VENAIT DU FROID de Martin Ritt se retrouve dans la même lignée. Ces films ont en commun la redéfinition du Bien et du Mal, montrant une paranoïa qui ne va cesser de s’accroître dans le monde. L’ère du soupçon a commencé. PUBLICITÉ

On ne peut pas passer à côté du chef d’oeuvre absolu de Sydney Pollack, d’une modernité encore insolente, LES TROIS JOURS DU CONDOR avec Robert Redford. Ce dernier interprète un romancier qui travaille pour la CIA en décryptant des romans policiers, tout en essayant de savoir ce qu’il y a derrière la plus grande base de surveillance du monde. Voilà un suspense haletant dont les services secrets américains ne sortent pas grandis. Le cinéma hollywoodien prend désormais parti pour les citoyens contre un pouvoir et une administration jugés dangereux et manipulateurs. 

Le genre va se poursuivre, même après la guerre froide. Notre époque est le terrain de jeu idéal, entre la surveillance accrue, les réseaux sociaux et l’hyper-connection. Le récent SNOWDEN ou, dans une base plus large de divertissement, la saga JASON BOURNE ont montré l’inquiétante disposition à certaines personnes d’observer le monde et le priver ainsi de sa liberté.  

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