Barberousse, un chef-d’oeuvre signé Akira Kurosawa

Depuis RASHOMON sorti en 1950, le grand Akira Kurosawa possède désormais les coudées franches et possède une fortune considérable. Son public s’est élargi et ses films se montent avec une grande facilité. L’arrangement avec la célèbre Töhö est une aubaine pour lui : la célèbre maison de production lui propose alors de financer lui-même une partie de ses films, limitant du même coup les risques financiers pour la société. En échange, Kurosawa aura une véritable liberté artistique. Voilà tout ce qu’il recherchait. 

Dès lors, il ne se gênera pas pour rendre ses oeuvres encore plus agressives envers le Japon, son pays, notamment avec LES SALAUDS DORMENT EN PAIX, sorti en 1960, et basé sur un scénario de Mike Inoue, le neveu du cinéaste. Ce film raconte la

vengeance d’un jeune homme grimpant dans la hiérarchie d’une entreprise corrompue afin de démasquer les responsables de la mort de son père. Parallèlement à la production, de grandes manifestations ont lieu pour dénoncer le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les Etats-Unis et le Japon. La jeunesse se soulève, convaincue que cette idée donnera encore plus de pouvoirs aux entreprises et aux politiciens au détriment de la démocratie. La séquence d’ouverture du film, grandiose, résonne en écho à cette société divisée. Kurosawa va s’affranchir des règles pré-établies. Ainsi, il enchaîne les longs-métrages, laissant peu de temps s’écouler entre deux oeuvres. Après ENTRE LE CIEL ET LA TERRE, il se lance dans BARBEROUSSE.

Se basant sur les nouvelles écrites par Shügorö Yamamoto ainsi que sur le chef-d’oeuvre HUMILIÉS ET OFFENSÉS écrit par Dostoïevski, Kurosawa se plonge dans l’Histoire et plus particulièrement au début du XIXè siècle. De retour à Edo après trois ans d’études à Nagasaki, le jeune docteur Noboru Yasumoto (interprété par Yûzô Kayama) est destinée à faire une brillante carrière. Il rêve d’une nomination dans l’hôpital du Shogunat. Sa connaissance de la médecine occidentale et ses origines le destinent aux plus hautes sphères médicales. Mais sa première affectation l’envoie dans un quartier très pauvre de Tokyo, à la clinique de l’intransigeant Dr Niide dit « Barberousse » (le formidable Toshirô Mifune). Egoïste et arriviste, le docteur est mécontent d’être aux ordres d’un médecin dans un endroit qui ne correspond pas à son diplôme et à son ambition. Mais peu à peu, Yasumoto surmonte son amère déception et s’attache aux malades et à son étrange patron.

Il est encore étonnant de constater qu’un tel résumé du point de départ de

cette longue épopée émotionnelle (plus de trois heures) correspond étonnamment bien à notre contexte actuel, malgré les 56 ans qui nous séparent de la sortie du film (il arriva bien plus tard en France puisqu’il sortit le 4 janvier 1978). A l’époque, Kayama, l’acteur principal, est très populaire, ce qui assure au réalisateur d’entrer dans ses frais avec la production d’un tel projet dont le tournage sera l’un des plus longs de sa carrière. La reconstitution y est fabuleuse, tout comme l’interprétation flamboyante de ses comédiens magnifiés par une direction artistique hors du commun (et novatrice pour l’époque). Le public lui réservera un véritable triomphe puisque ce sera le plus gros succès de l’année 1965 au box-office national. Il marque aussi la fin d’une époque pour son auteur, Kurosawa avouant que BARBEROUSSE représente l’utile pierre d’un édifice bâti il y a deux décennies. Le film est aussi considéré comme sa dernière oeuvre majeure avant de passer par la case Hollywood après la fin du contrat d’exclusivité entre lui et la Töhö en 1966. 

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