La trilogie Matrix

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Retour sur une trilogie dantesque, éblouissante, parfois un peu confuse mais toujours emballante et qui prouve tout l’étendu du talent des « Wacho ». Retour donc sur ces trois films, trois chroniques, trois analyses, trois critiques.

– MATRIX (1999)

Véritable claque à l’époque, avancée technologique majeure avec cette caméra à 360 ° degrés, le bullet-time ( effet de caméra mobile autour d’un personnage au ralenti, utiliser souvent n’importe comment depuis), la manière nouvelle d’utiliser le numérique, les envolées folles de la caméra. Rien que pour les yeux, MATRIX est un enchantement pur, au travail hors pair. On peut remercier le

producteur Joel Silver de leur avoir fait confiance dans ce pur délire métaphysique au scénario fouillé et ultra-complexe en apparence pour ne retirer que l’essentiel : la manipulation et l’esclavagisme invisible de la population faisant encore écho à notre époque. Plus encore dans les deux volets suivants, les cinéastes parlent d’amour, comme facteur de tous les possibles, comme barrière face au mal. Mais où est le mal ? Grande question sans réponse et c’est tant mieux. On est malmenés, toujours à reconsidérer tel ou tel personnage selon ses actes. Il y a des pièges également, qu’est-ce qu’une machine ? Si une machine est capable d’avoir des sentiments alors, dans ce cas, qu’est-ce qui nous différencie d’elle ?

Leur vision alarmiste de l’intelligence artificielle fait froid dans le dos mais s’avère pourtant d’une triste réalité avec l’avénement de nouveaux robots que l’on voit émerger aujourd’hui. MATRIX n’est pas seulement un film spectaculaire, il est largement plus. Il brasse des thèmes d’une quantité astronomique, déroule une intelligence rare dans son développement en ayant le mérite d’être clair ( ce qui ne sera pas le cas avec le deuxième par exemple) tout en se gardant d’expliciter ou donner des réponses. Rien n’a de vérité véritable, rien n’est définitif, tout bouge. Le mouvement perpétuel, dans l’intrigue et le visuel, voilà ce qu’est le film. On se rend compte, vingt ans après, à quel point l’histoire de l’Elu a influencé les cinéastes contemporains notamment Nolan pour INCEPTION, avec ses hommes branchés à des machines pour découvrir plusieurs niveaux de la matrice remplacés par des rêves dans le film de 2010. Le casting est impeccable, avec son trio inséparable d’une certaine imagerie iconique du cinéma contemporain, electro-hard-métal-rock, complètement démente. Un véritable chef-d’oeuvre.

– MATRIX RELOADED (2003) 

Si vous aviez trouvé le premier complexe, celui-ci va vous donner la migraine ! A tel point que les Wachowski ratent un peu le coche dans cette suite bien inférieure à son prédécesseur. D’une part, le « reload » (un rechargement, pour faire simple) de la matrice est difficilement assimilable car elle concerne tout un ensemble et ce n’est pas le premier. Régulièrement, l’architecte ( le chef de la matrice pour dégrossir) doit mettre en place des « mises à jour », l’agent Smith est un double maléfique de Néo, l’Oracle est en fait un programme et on découvre le refuge des humains, Sion. Bon et puis y’a Lambert Wilson qui cabotine dans un rôle peu clair, celui du mérovingien (peu-être un ancien Elu). Et encore, je vulgarise. Tout s’amplifie, à chaque minute, une révélation, un mystère, des questions, peu de réponses. C’est à peu près le schéma de ce deuxième opus. Trop poussé, jusque dans son visuel lorsque Néo combat une quarantaine de Smith dans une animatique désastreuse, il en résulte une déception et tellement de questions que ça en devient parfois outrancier.

Pourtant, les personnages sont mieux développés, l’histoire d’amour entre Néo et Trinity est bien traitée, les personnages secondaires sont étoffés mais on ne prend pas autant de plaisir que l’on devrait, la faute à des digressions qui parasitent constamment l’intrigue principale. On ne peut pas dire que c’est une suite rajoutée après le succès du premier car les Wacho l’avaient envisager de prime abord comme une trilogie (il y a toujours débat, mais beaucoup d’éléments vont dans ce sens). Pourtant, la séquence de huit minutes sur l’autoroute restera comme la plus grande de la trilogie. Huit minutes de pure folie visuelle, aux mouvements de caméra incroyables, au découpage dingue et tellement précis qu’il en devient une leçon de cinéma à lui tout seul. Le reste coupe le souffle, entre les cascades, les bullet-time, les explosions, le pouvoir des jumeaux. Soyons-clairs, c’est le bijou des deux cinéastes, une maîtrise totale. D’autres séquences de stylisation pure (comme la fête dans la grotte en parallèle avec la l’érotique scène entre Trinity et Néo) sont autant de visions fulgurantes qui semblent incompatibles avec un blockbuster à 130 millions de dollars sauf quand on laisse à ses auteurs une certaine liberté de mouvement. La fin, emballante, nous fait donc découvrir l’architecte et reste sur un cliffhanger haletant.

– MATRIX REVOLUTIONS (2003) 

La déception du second se répercute dans les chiffres de celui-ci, avec des recettes baissant de 40 %. Pourtant, REVOLUTIONS est plus clair, plus linéaire, plus spectaculaire mais toujours pas plus explicatif. La fin reste une énigme, que l’on comprend, en partie. Il y aura toujours un million de théories, qui animeront chacun. Mais là est la force de cette oeuvre. Le libre arbitre est le point névralgique. Aucune définition claire, chacun est libre de l’interpréter selon ses ressentis. Chacun est libre de voir en MATRIX ce qu’il veut, même une simple trilogie à grand spectacle, mais ce serait passer à côté d’une portée philosophique

importante. C’est une réflexion sur l’espèce toute entière, un tel risque artistique que l’on voit mal un studio en refaire un de nos jours. Seul Christopher Nolan a les coudées franches pour faire ce qu’il veut, mais l’industrie est bien trop formatée. C’est la force des Wachowski, ils ne font pas du spectacle pour du spectacle. Ils ne sont jamais impersonnels jusqu’a être parfois un peu trop outrancier (le difficile SPEED RACER).

MATRIX REVOLUTIONS est une apogée méritée pour cette histoire, une apogée menée à un rythme démentiel et visuellement ultra-spectaculaire dont cet incroyable morceau de bravoure que constitue la bataille des machines face aux humains. C’est l’épisode des sacrifices, Néo n’est pas celui qu’il devait être, l’amour est encore et toujours le moteur de l’histoire, comme en témoigne ce couple de programme qui aime plus que tout leur fille. Et celui de Trinity envers Néo, touchant et tragique. Il y a des choix qui n’ont pas été pris précédemment, mais qui n’aboutissent finalement qu’à la même chose. C’est l’Histoire d’une destinée, le fait que tout est déjà décidé et que n’importe quel choix nous mènera finalement à ce qui devait se passer. Un début, un milieu, une fin. Tout devient limpide. Sauf qu’après le dénouement, l’histoire s’étend : MATRIX RESURRECTIONS poursuit ainsi l’héritage.

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