Claude Chabrol, un cinéaste exigeant

Claude Chabrol est l’un des grands réalisateurs français. Son style était unique et sa personnalité reflétait l’intransigeance de sa mise en scène. Revenons justement sur cette perception du cinéma qu’avait cet artiste qui nous a quittés il y a maintenant onze ans.

Publicités

PREMIER PAS

Cinéaste de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol sort des films à un rythme annuel s’offrant de jolis succès populaires (contrairement à certains de ses acolytes comme Eric Rohmer ou Jean-Luc Godard en perte de vitesse). Exigeant auprès de son équipe et de ses comédiens, il a réalisé son premier film à l’âge de vingt-neuf ans alors qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un plateau de tournage. Partant de simples compétences théoriques comme organiser une journée de tournage ou, plus sommaire, placer sa caméra, il dévisse dès son entrée en matière en ratant quelques réflexes simples qui auraient pu lui coûter sa place.

Mais grâce à ses convictions et son enrichissement cinématographique, Claude Chabrol a réussi à se faire respecter de l’équipe en jouant sur ses références. C’est là qu’il apprend les règles éprouvantes d’un tournage, chaque seconde coûtant de l’argent, chaque faux pas poussant à rejouer. Exagérément perfectionniste, il a déjà trois jours de retard sur ses huit premiers jours de tournage ! Le producteur le rappelle à l’ordre et son style s’épure soudainement. Il doit filmer ce qui est important et ne pas chercher le détail à tout prix. C’est d’ailleurs ce qu’il racontera plus tard, pointant du doigt les erreurs des jeunes cinéastes qui ne parviennent pas à distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas. 

LE STYLE

Se reposant sur certaines règles du cinéma (qu’il aimait aussi transgresser), Chabrol mettait en évidence un fondamental absolu du champ/contre-champ : deux acteurs ne peuvent pas regarder vers le même coin de l’écran autrement on aura l’impression, en tant que spectateur, qu’ils se tournent le dos. Il aimait s’approcher du classicisme en détournant le style pour trouver sa propre voie. Ainsi, il détestait particulièrement la mise en forme devenue monnaie courante (voire la plaie) du cinéma d’action moderne : le style « caméra à l’épaule ». Sur ce sujet, il trouvait que ce parti pris empêchait le point de vue de naître. Chaque mouvement est accompagné par une caméra sans cesse entrain de bouger. Même jugement sur les réalisateurs qui multiplient les plans pour accroître le rythme d’une scène. 

LA DIRECTION D’ACTEURS

Ayant une connaissance absolue de ses plans pour chaque films qu’il tournait, Chabrol travaillait donc deux fois plus avec les acteurs. Il leur montrait par exemple que la caméra se situerait sur eux dans les moments importants pour pas que les expressions qu’ils ont répétées devant la glace n’aient servi à rien. Impliquant ses acteurs dans de longues répétitions, le cinéaste faisait alors très peu de prises, captant le jeu sur l’instant T. Lorsqu’il engageait un

comédien, il voulait voir ses idées imprimer sur la pellicule et ne surtout pas le brider. Lui donner quelques indications mais rien de plus pour ne pas l’enfermer dans un jeu trop guidé. Cependant, il lui arrivait d’être plus ferme avec quelques comédiens notamment ceux ayant développés des « tics » pour masquer leurs peurs de la caméra. En revanche, il était contre la tension sur un plateau et préférait discuter lorsque quelque chose n’allait pas, plutôt que d’envoyer balader tout le monde. 

Publicités

LA POLITIQUE DE L’AUTEUR

Pour finir, aux questions posées sur la politique de l’auteur, il ne comprenait pas qu’il faille, aux cinéastes modernes, écrire absolument leurs scénarios. Il revenait alors sur ce terme né dans les années soixante et que, à son avis, les gens avaient compris de travers. En effet, ceci n’était pas l’éloge de ceux qui écrivent leurs histoires, mais plutôt ceux qui arrivaient à imposer une patte sur un scénario dont il n’avait pas écrit une seule ligne ! Ce bon vivant notoire (on dit qu’il choisissait ses lieux de tournage en fonction des restaurants se trouvant à proximité) a toujours été un poil provocateur, mais, à l’image de son oeuvre, d’une conviction sans faille. ​

Laisser un commentaire