Terrence Malick, le poète devenu cinéaste

Sa rareté en a fait un être hors du temps et un cinéaste incomparable. Qui est Malick ? On aura beaucoup de mal à répondre à cette question, tant l’homme est énigmatique et secret. Neuf films en quarante-six ans de carrière (et encore, il a accéléré la cadence ces dernières années) et cela li a suffi pour conquérir un public inconditionnel et imposer un univers filmique d’une beauté visuelle rare. 

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Parce qu’un film de Malick est reconnaissable parmi tous. Il a sa propre marque, sa propre notion du temps et de l’espace, joue constamment avec le passé, le présent et des images subliminales. Ses études à la fac se portent sur la philosophie puis il décide de devenir scénariste et d’écrire LA BALADE SAUVAGE qu’il va également réaliser. Sur un simple fait divers criminel (un couple meurtrier en cavale), Malick transcende son histoire avec une réflexion poétique et panthéiste sur la beauté du monde avec des choix musicaux ahurissants (Satie), une iconographie qui s’inspire de tout un pan de la peinture américaine (des Luministes à Warhol en passant par Hopper) et l’utilisation de la voix-off qu’il utilisera dans tous ses films. Evidemment, un tel film ne peut laisser indifférent. Que l’on aime ou pas, quelques chose se passe avec le cinéma de Malick. LES MOISSONS DU CIEL, cinq ans plus tard, ouvre encore la réflexion par l’ampleur de l’image et de la reconstitution historique, dominée par la photo lumineuse du grand Nestor Almendros (le brun de la ville est opposé au doré éclatant du paysage, véritable tout de force graphique). 

Ensuite, il faudra attendre vingt ans pour le revoir ! Un retour attendu où le cinéaste a changé personnellement, se tournant vers une méditation accrue et un amour de la nature fougueux. Il met en avant le contraste entre la brutalité des Hommes et de la beauté naturelle du monde. Ainsi, LA LIGNE ROUGE est un récit de guerre de forme choral et LE NOUVEAU MONDE reconstitue l’épisode américain fondateur de John Smith et Pocahontas. Mais la forme épique qu’ils empruntent est trompeuse. Malick paraît éliminer systématiquement les scènes d’action attendues ou les dialogues explicatifs que l’on croit incontournable, pour développer, à la manière d’une mélodie, les instants d’inaction ou de méditation, créant la forme désarçonnante d’une épopée inversée, mais captivant le spectateur par la grandeur de ses images. Il poussera tout cela encore plus loin avec sa palme d’or, TREE OF LIFE, son chef d’oeuvre, son film-somme. Sous couvert d’un drame avec la star Brad Pitt, il embarque le spectateur dans une expérience hors normes, s’autorisant de montrer la grande histoire dans la petite, la naissance de la Terre et la mort métaphorique d’une famille. Le film a forcément divisé, mais le revoir est une bonne chose. Une claque comme on en voit rarement au cinéma avec des images iconiques qui resteront à jamais gravées dans notre mémoire de cinéphile. 

En dehors de toute mode, Terrence Malick est le seul cinéaste américain actuel à éveiller chez le spectateur un regard de poète et de philosophe. Il nous ouvre les yeux sur ce qui nous entoure et promet toujours un peu de lumière dans la pénombre. Certes, il s’est un peu (beaucoup) perdu ces dernières années avec des films réalisés coup sur coup : A LA MERVEILLE, KNIGHT OF CUPS et SONG TO SONG, trois longs-métrages constituant une trilogie de poésie absconse. En revanche, on a été rassuré avec son très beau UNE VIE CACHEE qui promet une nouvelle ère cinématographique très intéressante pour le cinéaste. 

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