Lorsque sort LA TRAVERSEE DE PARIS en 1955, le cinéma français patine par un certain conformisme. La production piétine, des scénaristes maison cultivent le poncif, pimentant de lieux communs des sujets rebattus, mis en scène par des routiniers sans imagination. C’est le règne des Henri Jeanson, Jean Delannoy ou encore Gilles Grangier.
Surnommée assez péjorativement la « qualité française », cette période va être bousculé par la véhémence de la Nouvelle Vague qui révolutionnera notre cinéma national (pour le meilleur…mais aussi parfois pour le pire). Malgré tout, LA TRAVERSEE DE PARIS est un film à part alors qu’il s’inscrit totalement dans cette lignée de productions françaises à priori calibrée.
Une guerre encore taboue
Le récit nous ramène en 1943. Paris occupé vit à l’heure du marché noir. Un brave chauffeur de taxi en chômage, Martin (Bourvil), effectue des transports de viande clandestins d’un quartier à l’autre de la capitale, malgré le couvre-feu et les patrouilles allemandes. Il s’est abouché avec un nommé Grandgil (Jean Gabin), artiste peintre à ses heures, qui méprise cordialement ses contemporains. Une équipée nocturne leur vaudra quelques rencontres cocasses, ponctuées de violents coups de gueule.
On a ici une remise en question du comportement « héroïque » des français sous l’Occupation. En 1955, la guerre reste taboue et on préfère ne pas revenir sur une période peu reluisante. L’origine du film se trouve dans une nouvelle de Marcel Aymé que les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost adaptent avec jubilation. Ils brossent un tableau sinistre d’un pays en proie aux minables combines et à la peur généralisée. Chaque réplique sonne comme
un féroce règlement de comptes. Le réalisateur Claude Autant-Lara trouve ici un terrain de jeu idéal, lui qui s’était révélé par des films futiles en apparence, mais tout de même assez ravageur dans le fond (notamment sur DOUCE avec Odette Joyeux dans le rôle principal).
Indéniablement culte, LA TRAVERSEE DE PARIS brille par son écriture et sa mise en scène, mais pas seulement. Le talent des acteurs fait le reste dans des rôles taillés sur mesure pour eux. Le trio Gabin-Bourvil-De Funès est exceptionnel de complémentarité, mais il ne faut pas oublier les savoureux seconds couteaux que sont Jeannette Batti et Robert Arnoux. Le film fut un carton : 4 893 174 spectateurs répondirent à l’appel.
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