L’oeuvre DUNE de Frank Herbert est désormais appropriée par une nouvelle génération qui a succombé au diptyque réalisé par Denis Villeneuve. Elle fut pourtant dans de nombreuses têtes créatives il y a cinq décennies de cela et le film de David Lynch, énorme production à 45 millions de dollars (l’équivalent de 180 millions aujourd’hui), devait s’ériger en adaptation phare. Ce ne fut pas le cas.

DUNE s’enlise

Ayant connu de nombreux déboires en coulisses, DUNE version Lynch est renié par son réalisateur lui-même. Trop de différends créatifs, trop de pression, pas de Final Cut. Le cinéaste s’est senti privé de toutes libertés et a compris que ce film ne rendrait pas honneur au livre révéré de Herbert. Il s’est embarqué dans une galère certaine avec cette production signée Dino de Laurentiis, oeuvrant sans relâche pendant deux ans à la rédaction du script et à la préparation du film, d’abord avec ses deux scénaristes d’ELEPHANT MAN, Christopher De Vore et Eric Bergen, puis tout seul, devant faire face à un tournage mouvementé qui s’est étiré sur neuf mois.

L’oeuvre oubliée

Propulsé à la tête d’une armée d’acteurs, de figurants et de techniciens, Lynch voit son art se transformer en véritable entreprise à gérer. Au programme : tempêtes, engueulades et pressions. Le cinéaste est épuisé et le montage l’achèvera, s’étalant sur plus d’un an, victime de nombreux désaccords entre toutes les parties. Le cinéaste se sent frustré et préfèrera « écarter » cette adaptation de sa filmographie. Pourtant, si ce DUNE n’est pas exempt de défauts, il est loin d’être un long-métrage à oublier. Lyrique, parfois poétique, il ne parvient pas à rendre justice au livre à cause de certaines simplifications, mais trouve sa propre voie via des thèmes intéressants. Et modernes. Le rapport à l’écologie, par exemple, et la lutte nécessaire pour préserver l’environnement. La dimension religieuse, ensuite, avec ses aspects les plus extrémistes. Enfin, la nécessité de se trouver un héros, tel un messie qui n’en est finalement pas un. Autre point, l’injustice concernant son esthétique. C’est vrai, certains éléments sont un peu kitsch, mais il y a aussi de grands moments. Rendons notamment hommage à Carlo Rambaldi, célèbre pour son travail sur E.T, ainsi qu’à Kit West pour les effets mécaniques, sans oublier l’excellent Freddie Francis à la photo (qui avait déjà collaboré avec le cinéaste sur ELEPHANT MAN). Enfin, n’oublions pas non plus que Kyle MacLachlan était un très bon Paul Atréides. Certes, nous sommes ici dans la version « simpliste » du manuel David Lynch, et qui sait ce qui serait advenu si DUNE avait été un carton… Aurait-il continué sur cette voie ?

Toujours est-il que l’échec tonitruant enlève toute idée de franchise. Une fois n’est pas coutume, la France sauve le long-métrage avec 2 310 957 entrées (soit le deuxième meilleur score derrière les USA !). Après cet échec, Lynch s’éloignera des grosses productions et reviendra alors à des scénarios plus personnels. De Laurentiis le suivra et va lui octroyer 5 millions de dollars pour qu’il réalise un étrange thriller néo-noir : BLUE VELVET.

Catégories : Rétrospective David Lynch

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