L’exorciste 2, la suite à contre-courant par John Boorman

On ne se rend peut-être pas compte à quel point L’EXORCISTE a marqué son époque et la société lors de sa sortie en 1973 (aux USA). Il est possible que certains de mes lecteurs ont eu la chance de vivre cette sortie et tout ce qui s’en est suivi. Le cinéma d’horreur n’a plus jamais été le même après le chef-d’oeuvre de William Friedkin qui reste à ce jour le plus grand succès de tous les temps pour un film du genre (5,3 millions d’entrées en France, et 404 millions de dollars de recettes soit, ajustés à l’inflation, l’équivalent de 2,2 milliards aujourd’hui !).

Une suite bien différente des attentes

Alors forcément, avec un tel succès, les idées de suite sont déjà dans la tête des producteurs. John Boorman, quant à lui, n’est pas un inconnu : DUEL DANS LE PACIFIQUE, ZARDOZ et surtout DELIVRANCE lui ont fait un nom. Les qualités du réalisateur rassurent tout le monde tandis que les retours de Linda Blair et Max Von Sydow (respectivement dans la peau de Regan et du père Merrin) actent une suite dans la droite lignée de son prédécesseur qui rajoute l’excellent Richard Burton en père Lamont. Sauf que les événements vont s’avérer un peu différents des attentes…

Le pitch ? Le père Lamont enquête sur la mort mystérieuse du père Merrin, survenue à la suite d’un exorcisme, et va devoir combattre le démon Pazuzu que la jeune Regan a toujours en elle. Jusque là, tout va bien. Sauf que John Boorman est là pour expérimenter et non poursuivre le travail de William Friedkin. Un mal pour un bien ? Voilà toute la complexité d’une suite. Faut-il suivre le modèle précédent ou s’en détacher quitte à faire complètement différent ? Rassurer ou innover ? Clairement, le metteur en scène a pris la seconde option. L’EXORCISTE 2, L’HERETIQUE prend totalement à contre-pied les attentes des spectateurs pour livrer un long-métrage complètement fantasmagorique qui refuse presque sa nature de film d’horreur. Pourtant, la mise en scène est élégante, presque trop, Boorman voulant toujours plus et mieux afin de sublimer chaque plan. À la nature brute et directe du premier film, il préfère la contemplation et l’onirisme, rebutant alors le spectateur venu chercher son frisson. Dès lors, impossible d’envisager cette séquelle avec le même point de vue.

Flop et remise en question

Mais L’EXORCISTE 2 mérite-t-il toute cette haine ? Personne ne fut vraiment tendre avec John Boorman qui prit difficilement toutes les critiques négatives, arguant le fait que personne n’avait vraiment pas compris ses intentions. Le réalisateur n’a certes pas mis en scène une suite mémorable, mais elle n’en demeure pas moins assez étonnante dans son traitement, plongeant littéralement dans l’inconscient de sa protagoniste tout en atteignant une forme d’épure visuelle du plus bel effet. Notons également une partition magnifiquement expérimentale d’Ennio Morricone avec quelques fulgurances lyriques entêtantes et des séquences africaines tribales du plus bel effet. Après l’échec cuisant du long-métrage (et un box-office ne dépassant guère les 30 millions de dollars), Boorman attendra quatre ans avant de revenir derrière la caméra avec EXCALIBUR.

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