La puissance de l’Ange, quand John G.Avildsen filmait l’Apartheid

La carrière de John G.Avildsen sera à jamais marquée par le film ROCKY alors même que celui-ci est grandement attribué à Sylvester Stallone. Un drôle de paradoxe qui n’aura pas empêché le cinéaste de rencontrer un autre grand succès international avec la saga KARATE KID. En dehors de ces phénomènes, il fut également le metteur en scène d’un film trop méconnu et pourtant bouleversant : LA PUISSANCE DE L’ANGE.

Des symboles forts

L’histoire nous ramène en Afrique du Sud à la fin des années 1930. Son père mort, P.K (Stephen Dorff). n’a que six ans lorsque sa mère l’envoie dans un orphelinat afrikaner où, pour être anglais, il subit brimades

et violences. Bien que son grand-père finisse par l’accueillir, deux autres hommes forgent son caractère : « Doc » Von Vollensteein (Armin Mueller-Stahl), un réfugié allemand féru de botanique et de musique, et ensuite Geel Piet (Morgan Freeman), un prisonnier noir qui le forme si bien à la boxe qu’il participe à plusieurs combats organisés par les autorités carcérales. Un champion est né. Quand viendra le jour de choisir entre le régime abject de l’Apartheid et ses frères noirs, P.K. n’hésitera pas un seul instant…

Durant de longues années, il fut impossible de trouver LA PUISSANCE DE L’ANGE en vidéo. La Warner Bros a en effet tardé avant de rééditer ce film qui a eu les honneurs d’une version blu-ray en 2019. Pourtant, le sujet est fort et nous propose une plongée remarquable dans l’Afrique du Sud des années 30 où l’oppression commence à resserrer son étau. Morgan Freeman se passionne pour le sujet et accepte assez rapidement l’un des rôles principaux du film. Il faut dire que l’acteur entame là ce qui constitue le plus beau cycle de sa carrière : Depuis 1989 et MISS DAISY ET SON CHAUFFEUR, il a enchaîné GLORY, ROBIN DES BOIS, et s’apprête à tourner IMPITOYABLE, LES EVADES et SEVEN ! Ici encore, il nous livre une prestation remarquable d’humanité, nous offrant une belle complicité avec Stephen Dorff, considéré à l’époque comme l’un des jeunes premiers les plus prometteurs d’Hollywood. Malheureusement, sa carrière sera plutôt décevante malgré son apparition remarquée dans BLADE.

Une oeuvre manichéenne ?

Porté par une partition élégiaque de Hans Zimmer, LA PUISSANCE DE L’ANGE a été critiqué pour son manichéisme et la partialité totale du cinéaste. Il lui a d’ailleurs été reproché de ne pas assez nuancer son propos. Sauf que l’objectif ici est de faire naître un sentiment de révolte par rapport à ces exactions qui ont eu lieu. À l’origine de ce projet, il y a un roman écrit par l’auteur Bryce Courtenay qui a notamment grandi en Afrique du Sud et qui décrit avec précision de nombreux actes révoltants. LA PUISSANCE DE L’ANGE est son premier roman et fut un véritable succès dans les librairies. Rapidement, Hollywood s’en empare et le nom d’Avildsen revient en tête de pile pour une bonne raison : en substance, il y a des éléments de boxe et le souvenir de ROCKY rejaillit forcément. Le combat comme métaphore de la libération émotionnelle et physique, voilà bien une thématique que le cinéaste pouvait facilement gérer.

Daniel Craig dans son premier rôle

Pour appuyer son propos (et par conséquent cette sensation de manichéisme), il y a cet antagoniste brutal et dénué d’humanité : le sergent Botha. Ce dernier est incarné par un certain Daniel Craig qui trouve ici le premier rôle de sa carrière au cinéma. Et quel rôle. Le regard dur, la mâchoire carrée et les cheveux impeccablement peignés, Craig livre une prestation de haute tenue qui a été malheureusement oubliée au fil des années. Ce sera en tout cas son ticket d’entrée à Hollywood même s’il enchaînera principalement les seconds rôles durant plusieurs années.

Echec à sa sortie au box-office, LA PUISSANCE DE L’ANGE n’aura jamais eu de véritable réhabilitation au fil du temps (malgré la popularité de Craig en 007 qui aurait pu lui offrir une seconde vie). Toutefois, sa portée symbolique et la réussite globale du film méritent toute l’attention.

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