Le dernier Samaritain, l’art du buddy movie chez Shane Black

Shane Black a refait le coup. Alors que sa vie a radicalement changé quelques années plus tôt grâce à la vente de son script L’ARME FATALE (achetée pour la coquette somme de 250 000 dollars), le scénariste réitère un coup de maître en 1990 avec la vente d’un scénario nommé LE DERNIER SAMARITAIN.

Nouveau jackpot

À l’époque, l’achat par la WARNER est un record et atteint 1,75 millions de dollars. S’il sera battu quelques

mois plus tard par Joe Eszterhas avec BASIC INSTINCT (3 millions de dollars !), Black peut se satisfaire de cette vente, même si feu CAROLCO PICTURES pouvait miser encore davantage dessus. Joel Silver, déjà producteur de L’ARME FATALE, poursuit sa collaboration avec Black pour une histoire qui se recentre, une fois de plus, sur un aspect buddy movie assumé : Après avoir cassé la figure d’un sénateur pervers, le séduisant agent de la CIA Joe Hallenbeck (Bruce Willis) a été remercié et s’est reconverti en détective privé. Après l’assassinat de son meilleur ami, il prend sa place pour protéger la strip-teaseuse Cory (Halle Berry). Mais, malgré ses efforts, elle est assassinée devant les yeux de son petit ami Jimmy Dix (Damon Wayans), un ancien champion de football qui a été limogé pour usage de stupéfiants. Bien qu’ils se détestent, les deux hommes font cause commune pour trouver l’assassin. 

Si l’aspect fun ressort assez largement du film, il n’était, à l’origine, pas aussi prépondérant. Là où Richard Donner a réussi à équilibrer parfaitement les enjeux du script de L’ARME FATALE entre comédie, drame, enquête policière et psychologie des personnages, LE DERNIER SAMARITAIN s’abandonne plus facilement à l’humour. La faute à plusieurs remaniements de script, et notamment le dernier acte qui fut réécrit pour en atténuer la noirceur. Après JOURS DE TONNERRE, Tony Scott se détache donc de Jerry Bruckheimer pour tourner avec l’un des autres producteurs forts d’Hollywood. Mais il va rapidement déchanter devant la présence souvent embarrassante de Joel Silver.

Une guerre d’ego

LE DERNIER SAMARITAIN est aussi reconnu aujourd’hui pour son ambiance tumultueuse sur le plateau. Tony Scott avouera plus tard que ce fut l’un des pires tournages de toute sa carrière. Ses relations avec Silver sont parfois tendues tandis que ce dernier fait pression sur le cinéaste afin qu’il modifie sa mise en scène sur certaines séquences sous peine d’être renvoyé ! En cela, le producteur est bien aidé par Bruce Willis qui se lance dans une belle guerre d’ego tout en étant implacable avec son partenaire à l’écran, Damon Wayans, avec lequel le courant ne passe pas du tout. Tout ce beau monde ne tire donc pas dans la même direction, ce qui va engendrer un drôle de film, coincé entre ses prétentions initiales et ses envies commerciales.

Les critiques ne seront pas tendres et le public ne réservera pas un triomphe à un film jugé globalement anecdotique. Pourtant, il va tout de même connaître un second souffle grâce à sa sortie vidéo qui cartonnera dans les video-club. Plus de trente ans après sa sortie, LE DERNIER SAMARITAIN est devenu un petit objet culte, ce genre de long-métrage dont les répliques font le bonheur des aficionados. L’ensemble fonctionne étonnamment bien, même si on a vu mieux dans le genre. Si la mise en scène de Tony Scott s’avère visiblement limitée, elle offre au moins tout l’espace nécessaire au duo d’acteurs pour qu’il s’exprime. Un vrai bon plaisir coupable des 90s.

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