Lawrence d’Arabie, le chef-d’oeuvre dantesque de David Lean

Régulièrement cité dans la liste des plus grands films de l’Histoire du cinéma, on se rend compte que LAWRENCE D’ARABIE n’a rien de perdu de sa superbe près de 60 ans après sa sortie.

Un personnage hors-normes

A la base de ce film hors-normes, il y a deux hommes : le producteur Sam Spiegel et le réalisateur David Lean. Alors qu’ils sont en Inde pour travailler sur le projet, Spiegel, qui est fasciné depuis longtemps par le personnage, évoque l’idée d’un film sur

T.E. Lawrence, cet officier de l’armée britannique qui est passé à la postérité pour avoir joué un rôle important dans la Révolte arabe de 1916-1918 contre l’Empire Ottoman. Celui qu’on a surnommé Lawrence d’Arabie est vite devenu le parangon de l’aventurier moderne avant d’entrer dans la légende en disparaissant dans un accident de moto à l’âge de 46 ans.

Les deux hommes vont alors demander au scénariste Michael Wilson (LE PONT DE LA RIVIERE KWAI) de rédiger le script. Celui-ci est tellement réussi que le frère du défunt, A. W. Lawrence, d’abord réticent, cède rapidement les droits pour mener à bien le film. David Lean peut alors commencer les repérages tandis que la difficile étape du casting peut commencer. Marlon Brando refuse le rôle principal, préférant tourner dans LES REVOLTÉS DU BOUNTY. Le cinéaste va rencontrer le jeune Albert Finney, mais ce dernier ne va pas le convaincre. Après plusieurs semaines, Lean va faire la découverte d’un jeune acteur de théâtre irlandais, Peter O’Toole, et va lui faire passer une audition qui sera concluante. Mais Spiegel est réticent. Il sait que O’Toole a quelques problèmes avec l’alcool et ne veut pas qu’il entache le tournage. Lean saura le convaincre que c’est le bon acteur pour le rôle.

Ce qui est amusant, c’est qu’une situation similaire va se présenter pour Alec Guiness. En effet, Spiegel veut qu’il soit dans le film pour interpréter le prince Fayçal, meneur de la Révolte arabe et futur premier roi d’Irak. David Lean, lui, se souvient des différends qui les ont opposés sur LE PONT DE LA RIVIERE KWAI. Après de nombreuses supplications, le cinéaste accepta. À contre-coeur.

Un tournage interminable

Le tournage sera alors interminable. David Lean film avec une

lenteur maniaque tout en déployant des trésors d’ingéniosité pour filmer les paysages magnifiques du désert jordanien. Tourné avec de très lourdes caméras 70 mm, LAWRENCE D’ARABIE est un véritable défi technique qui essaie constamment d’innover pour retranscrire visuellement la beauté fulgurante des paysages. Passant des heures à mettre ses séquences en place avec son directeur de la photo, Freddie Young, il oublie parfois le reste du monde et notamment ses acteurs, qui sont mis à rude épreuve. Il faut dire que le cinéaste leur demande beaucoup comme traverser l’image à dos de dromadaire, à plusieurs centaines de mètres de l’objectif sous un soleil de plomb ! Peu à peu, l’ensemble de l’équipe est victime de maladies dues à la chaleur et au climat désertique. Si l’on ajoute les frais de productions de plus en plus élevés et certains décors trop modernes, on comprend que Spiegel finit par décider de quitter la Jordanie afin de délocaliser le tournage en Espagne.

La reconstitution est dantesque tandis que la production devient ingérable. Tout est trop grand, trop beau, trop perfectionné. La prise de la ville d’Akaba par les troupes de Lawrence est un moment de bravoure hallucinant qui mobilisa 600 cavaliers chargeant sur leurs chevaux ou leurs dromadaires. Anthony Quinn, Omar Sharif et Peter O’Toole sont même angoissés à l’idée de chuter de leur monture au beau milieu des hordes de figurants et de finir écraser par des centaines de sabots en furie. O’Toole va bien tomber durant le tournage, se réfugiant alors sous son dromadaire en attendant que le tumulte environnant cesse. Après tout ces événements, O’Toole ne voudra plus jamais tourner avec David Lean.

Au bout d’un an et demi de tournage (!), le jeune Maurice Jarre va être embauché au poste de compositeur après les refus de Benjamin Britten et Aram Khatchatourian. Il va marquer lui aussi l’Histoire avec sa fabuleuse bande-son, devenant alors le compositeur attitré de David Lean. LAWRENCE D’ARABIE sera un grand succès public (plus de 5,7 millions d’entrées en France, notamment) et remportera 7 oscars.

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