Tendres Passions, l’inoubliable mélo de James L.Brooks

Premier film de James L. Brooks, adapté du roman de Larry McMurtry, TENDRES PASSIONS a toujours connu un certain déni, peut-être parce qu’il charrie un certain sentimentalisme malvenu. Il est vrai que le film convoque avec ardeur tous les clichés et codes du mélodrame : usure du couple, infidélités, trahisons, maladie… Le film a rapporté cinq oscars, ce qui a d’autant plus fracturé son aura.

L’importance de la télévision

Aurora (Shirley MacLaine) a élevé seule sa fille Emma (Debra Winger), excluant tout homme de sa vie. Pourtant, Emma quitte à la première occasion cette mère abusive. Seule, Aurora rencontre alors Garret (Jack Nicholson), qui est un ancien cosmonaute désormais alcoolique… Des liens entre ces deux personnes prennent forme. James L.Brooks adopte ici les tons consensuels de la sitcom et du soap opera dans une démarche entièrement volontaire. Si bien qu’on a l’impression aujourd’hui de regarder un vieux téléfilm tant la photographie d’Andrzej Bartkowiak renvoie à une esthétique télévisuelle. Il faut dire que le cinéaste a démarré sa carrière avec des séries télé comiques et que l’expérience que celles-ci lui ont apporté est importante. « Je suis très heureux d’avoir commencé par la télévision » déclara-t-il récemment lors de la ressortie du film en salles. « Le travail y est plus léger, davantage fondé sur l’esprit d’équipe. On est vraiment collègues, on travaille ensemble jour après jour, pendant des années. Les gens ont confiance en eux, ils ne sont pas constamment inquiets. J’ai travaillé sur des séries télé qui sont restées à l’antenne pendant plus de cinq ans. On voit des gens évoluer, se marier, faire des enfants, comme dans les séries elles-mêmes. C’est comme une petite communauté. C’est très différent au cinéma, il y a tellement plus d’argent en jeu et on travaille de manière intime avec des gens que vous venez à peine de rencontrer. ».

Un film mal compris

Dans le fond, TENDRES PASSIONS pose un regard juste sur l’Amérique des 80s, sans concession. Ce qu’une partie de la critique a pris de la mièvrerie révèle en fait la justesse du regard de Brooks dont la travail n’a pas toujours été bien compris. Il n’y aucun cynisme dans sa vision, mais une sincérité de tous les instants qui le place directement dans la catégorie des films majeurs sans en avoir l’air. Le casting est

au diapason avec, notamment, un Jack Nicholson des grands soirs qui élève le cabotinage au rang d’art ! Son personnage est un ancien astronaute devenu alcoolique, provocateur et obsédé sexuel. Pourtant, jamais le réalisateur ne déroge de sa règle : il aime ses personnages. Jamais il ne les méprise ou se moque d’eux d’une quelconque manière. Il y a une forme de bienveillance constante qui déplaît forcément puisqu’elle va contre la dénonciation ou le jugement. Pourtant, même si la méchanceté n’existe pas dans le monde de Brooks, il n’est pas question d’épargner le spectateur qui est notamment confronté à des sujets délicats (comme la maladie et la mort).

James L.Brooks aura finalement une carrière étrange, faite de hits et de bides, sans qu’on ne reconnaisse jamais réellement sa propre valeur de cinéaste. Peut-être parce qu’il y a une simplicité dans son art qui va contre les enjeux souvent démesurés des productions hollywoodiennes. Il a toujours abordé le monde commun, les gens normaux et les dilemmes de la vie courante sans passer par une spectaculaire mise en scène ou des effets de manche souvent appréciés par la profession et les cinéphiles. TENDRES PASSIONS est toujours un peu oublié, comme si cette oeuvre était au final mineure. Pourtant, il est évident qu’aujourd’hui son importance est indiscutable.

Laisser un commentaire