À tombeau ouvert, Nicolas Cage en ambulancier pour Martin Scorsese

À une époque pas si lointaine, Nicolas Cage tournait dans d’excellents longs-métrages en collaborant avec de grands cinéastes. Avant À TOMBEAU OUVERT, il venait tout de même d’enchaîner LEAVING LAS VEGAS, ROCK, VOLTE / FACE, LES AILES DE L’ENFER et SNAKE EYES.

Le poids des morts

L’acteur incarne ici Frank Pierce, un ambulancier insomniaque et sous stupéfiants, qui, malgré ses efforts garder les gens en vie, voit les fantômes de ceux qu’il n’a pas pu sauver. En plein New-York, il cumule les rondes et les sauvetages dans quelques-uns des quartiers les plus chauds de la ville. Le film est adapté d’un roman écrit par Joe Connelly intitulé RESSUSCITER LES MORTS. Dans ce livre, l’auteur ne souhaite pas se plonger dans le quotidien d’un ambulancier, mais plutôt montrer un homme désarmé face à la souffrance des autres. Cette forte empathie que ressent Pierce envers les autres est quasiment incompatible avec son métier. Comment, dès lors, peut-il réussir à fermer les yeux la nuit tout en sachant que d’autres souffrent dehors ?

Ses collègues, Marcus (Ving Rhames) et Tom Walls (Tom Sizemore) ressentent le même poids tout en le vivant différemment. Ainsi le premier se révèle davantage fataliste tandis que le second est obsédé par la justice. Martin Scorsese a souvent comparé À TOMBEAU OUVERT avec l’un de ses films les plus

emblématiques, TAXI DRIVER. Toutefois, si quelques similitudes émergent, le récit puise dans d’autres thématiques. Ainsi, Frank ne possède pas l’attitude révoltée de Travis Bickle (inoubliable Robert de Niro), lui l’ambulancier qui fait face aux atrocités quotidiennes. Egalement écrit avec Paul Schrader, TAXI DRIVER s’inscrivait dans un autre contexte, celui de la violence cathartique qui résultait du conflit au Vietnam. Et aussi de la pensée des deux artistes à l’époque, peut-être plus contestataires et virulentes. Scorsese déclarait à l’époque : « Il y a incontestablement une corrélation entre les deux films, mais le protagoniste ne cherche pas à tuer des gens ici. Il fait au contraire tout son possible pour les sauver. Le monde change, nous aussi. » Incontestablement. Les deux oeuvres ont en revanche une synergie commune en terme de cadre puisque l’on voit une ville et ses évolutions acquises en plus de vingt ans.

Martin Scorsese face à lui-même

À TOMBEAU OUVERT n’est toutefois pas un film sur la rédemption, mais sur la chute : tous les personnages, à un moment ou un autre, recherchent l’oubli. Pour le cinéaste, c’est une oeuvre importante qui referme une décennie exceptionnelle. Le temps s’égrène et un bilan s’impose. Avant d’attaquer Hollywood et d’obtenir de gros budgets pour des oeuvres flamboyantes (GANGS OF NEW-YORK, AVIATOR,…), il répare comme il peut ses regrets avec un récit inégal aux effets de mise en scène trop appuyés. Scorsese n’est pas là pour faire du grand art, mais pour exprimer une pulsion qui se retrouve dans son rapport à la bible et l’image qu’a celle-ci de la rédemption. L’homme prend la place du cinéaste et s’ouvre de manière surprenante : À TOMBEAU OUVERT est probablement le film le plus personnel et émotionnellement sincère de son auteur. À (re)découvrir donc.

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