Boulevard du crépuscule, Billy Wilder face à Hollywood

Publicités

On est à Hollywood. Dans la piscine d’une luxueuse villa de Sunset boulevard flotte le corps d’un homme criblé de balles. Mise en matière nette et tranchante, plaçant un contexte évident. Puis le mort nous conte son histoire, jeune scénariste au chômage qui devient l’amant d’une star du muet, Norma Desmond. C’est parti pour un tourbillon d’émotions dans ce grand film noir dirigé d’une main de maître par Billy Wilder. 

Sunset Boulevard est une artère célèbre de Los Angeles, où les célébrités américaines ont leur résidence. Billy Wilder y a situé l’un des plus cruels apologues sur la grandeur et la décadence de la mythologie hollywoodienne. Tout part de l’imagination du cinéaste en rapport avec ce qu’il a vécu. A la fin des années 40, alors qu’il commence sa carrière à Hollywood, Wilder s’installe lui-même à Los Angeles et est donc au coeur de ce voisinage plutôt abondant et intouchable. Alors qu’il voit toutes ces stars du muet à la retraite, il s’imagine ce qu’ils peuvent bien faire de leur temps maintenant qu’ils ne tournent plus et qu’ils ont perdu succès et célébrité. Né alors BOULEVARD DU CREPUSCULE, évidemment très difficile à monter puisqu’il s’attaque, en creux, au cinéma hollywoodien et ses paillettes. Un angle qui fait peur à la PARAMOUNT, mais que Wilder va habilement tirer à son avantage (notamment en évoquant une fausse adaptation !). 

Gloria Swanson est l’une des pièces maîtresses de la réussite du film. Plusieurs actrices furent pressenties pour incarner le personnage de la star déchue. Toutes refusèrent se jugeant trop peu concernées. Le rôle fut donc confiée à Swanson, et lui convenait idéalement : lancée par le célèbre Mack Sennett (celui que l’on surnommait « king of comedy » qui a notamment lancé la carrière de Charlie Chaplin), elle connut en effet la gloire à l’époque du muet et l’un de ses derniers grands succès fut QUEEN KELLY réalisé par Eric Von Stroheim. C’est là que la fiction rejoint la réalité et Wilder de tisser des liens entre les deux parties de manière significative. L’humour (souvent très noir) est bien présent, traversé par des fulgurances de mise en scène exceptionnelles (outre l’intro, il y a des plans sublimés par la photographie grandiose de John F. Seitz) et doté d’une distanciation morbide savoureuse liée au fait que le récit est raconté par le mort lui-même ! Le résultat est une oeuvre envoûtante, riche de séquences oniriques (comme l’enterrement du chimpanzé). 

La critique américaine a beaucoup apprécié le film à sa sortie et celui-ci bat des records d’entrées dans les salles new-yorkaises. Pas dans le reste du pays où il n’a que peu de retentissant malgré la conviction de Gloria Swanson pour attirer le public (elle aurait traversé 33 villes en quelques mois à bord d’un train !). Billy Wilder évolua par la suite vers un comique grinçant, s’ébattant dans le double jeu avec une réussite insolente. Même si pour certains, BOULEVARD DU CREPUSCULE est sa plus grande oeuvre, 7 ANS DE REFLEXION (1955) et surtout CERTAINS L’AIMENT CHAUD (1959) peuvent aussi prétendre à la place du meilleur film du cinéaste. Sans oublier le mélancolique FEDORA (1977), long-métrage d’une beauté sans nom. 

Laisser un commentaire