Deux hommes dans la ville, Jean Gabin et Alain Delon réunis une ultime fois

D’abord romancier avant de prendre les rênes de sa première réalisation en 1966 avec LA LOI DU SURVIVANT, José Giovanni était également un ancien prisonnier. Resté onze ans derrière les barreaux, il fut d’abord condamné à mort pour extorsion de fonds et complicité d’assassinat. Un préambule nécessaire avant d’aborder DEUX HOMMES DANS LA VILLE, un film hanté par la mort et dénonciateur de la peine capitale.

L’histoire d’une rédemption

Germain Cazeneuve (Jean Gabin), ancien policier, est devenu éducateur social pour délinquants afin de les réinsérer dans la vie active à leur sortie de prison. Il se porte garant envers Gino Strabliggi (Alain Delon), ancien truand condamné à douze années de prison pour l’attaque d’une banque. Libéré avec deux ans d’avance grâce à Cazeneuve, Gino retrouve sa femme Sophie (Ilaria Occhini), qui a patiemment attendu durant ces dix années et tient une boutique. Des liens amicaux naissent entre les deux hommes (Gino Strabliggi considère Germain Cazeneuve comme son père), l’ancien détenu et son épouse sont invités à des moments de convivialité avec la famille de Germain, avec lequel il sympathise. Mais un jour, alors qu’ils rentrent d’un week-end passé avec les Cazeneuve, Gino et Sophie sont victimes d’un accident de voiture causé par deux chauffards. Si lui s’en sort, la jeune femme meurt…

Pour son histoire, Giovanni a diverses inspirations. Sa propre vie d’abord, mais également celle d’un de ses éducateurs et d’un autre ami. DEUX HOMMES DANS LA VILLE est clairement un film contre la peine de mort, ce qui, en 1973, a fait couler beaucoup d’encre (l’abolition n’eut lieu qu’en 1981). D’autant que le passé du cinéaste revient régulièrement sur le devant de la scène, certains l’accusant même de collaboration lors de la Seconde Guerre mondiale… Des accusations que Giovanni a toujours réfuté. Quoi qu’il en soit, il choisit rapidement Alain Delon pour incarner l’ancien détenu. Celui-ci aimera tellement le script qu’il produira également le long-métrage. Pour le rôle de l’éducateur, c’est Lino Ventura qui est contacté. Le comédien refusera, trouvant ce personnage pas assez crédible et trop manichéen. Mais Giovanni ne veut pas modifier la personnalité de son personnage. Une autre grande figure du cinéma français est pressentie, Yves Montand, qui décline également. C’est alors Jean Gabin qui finit par être choisi. Septuagénaire, l’acteur pense se retirer du cinéma, mais il tombe sous le charme du script et donne son accord.

Un casting magnifique

Delon et Gabin se retrouvent donc à l’affiche après MELODIE EN SOUS-SOL et LE CLAN DES SICILIENS. Ils sont ici un peu à contre-emploi, éloignés de ce qui a fait leur gloire passée. Bien servis par des dialogues admirablement écrits (que l’on doit également à Daniel Boulanger), les deux vedettes sont au sommet de

leur art. Ils sont le relais des ambitions du cinéaste qui revendique clairement ses convictions profondes. Un véritable parti-pris, indiscutable et prégnant, qui n’est pas si courant dans le cinéma. Aucune ambiguïté ici, ce qui donne parfois un aspect un peu mélodramatique à l’ensemble (ce que la musique composée par Philippe Sarde vient appuyer). L’impossibilité de retrouver une vie normale après l’incarcération est symbolisée par l’inspecteur Goitreau, admirablement incarné par Michel Bouquet. Ce trio se met en place avec ses convictions, ce qui parfois contraste avec les intentions de chacun. Alain Delon, producteur également du film, ne s’était-il pas positionné auparavant en faveur de la peine capitale ? Un paradoxe qui peut aussi démontrer que l’acteur fut touché par le parcours de Giovanni.

Dans le fond, DEUX HOMMES DANS LA VILLE peut presque ressembler à une version moderne des MISERABLES. C’est aussi le symbole d’un certain cinéma commercial des années 70, celui là-même qui parlait de sujets forts tout en restant divertissant et populaire. Voilà un film ancré dans son époque dont les codes peuvent aujourd’hui nous sembler datés, mais qui restent aussi symboliques d’une société en pleine reconstruction. Sorti en octobre 1973 dans les salles, DEUX HOMMES DANS LA VILLE sera un succès en réunissant 2 454 112 spectateurs tout en ramenant sur le devant de la scène le débat concernant la peine de mort.

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