Détroit, le film rageur de Kathryn Bigelow

En s’emparant des émeutes ayant eu lieu à Detroit en juillet 1967, la réalisatrice Kathryn Bigelow poursuit sa thématique de la violence après DEMINEURS et ZERO DARK THIRTY. Le chaos, la torture, la justice, trois grands axes qui mènent DETROIT vers des myriades d’interprétations. 

En filmant d’abord le chaos, la cinéaste décide d’emmener le spectateur sur place, dans la confusion la plus totale. Le contexte social et politique (la ségrégation, les violences policières faits aux Noirs, la guerre du Vietnam vivement contestée) mène à une véritable guerre civile. Comme surpassée par la puissance des images, Bigelow parvient difficilement à extraire ses vingt premières minutes, celles-ci s’enchaînant alors comme un résumé de la situation entre image d’archive et fiction. Elle réussit néanmoins à rendre sa mise en scène nerveuse, redonnant de l’aspérité à un style souvent mal maîtrisé (la caméra à l’épaule) qui donne lieu ici à de véritables moments de bravoure. Lorsque le récit commence réellement, il se découpe en vignettes, celle du mec qui vit de petits boulots, les chanteurs du futur groupe Dramatic’s, les policiers violents, puis un petit groupe de trafiquants dans le motel où la fameuse prise d’otage va se dérouler. DETROIT cristallise alors les personnalités pour rendre des comptes à une Amérique qui voit rouge.

Où se situe la frontière de l’acceptable ? La cinéaste atteint son apogée dans la longue séquence du motel, éprouvante et poignante. Sa façon d’installer la tension est remarquable tout comme sa faculté à rendre l’ensemble très réaliste. Tout un concentré de haine et d’injustice est alors compacté entre ces quatre murs qui deviennent l’enfer de ces quelques jeunes. 

La mort sera forcément le résultat de ces violences. L’Amérique se fissure une nouvelle fois et, plus globalement, DETROIT nous fait réfléchir sur l’humain. La fin est d’une injustice rageante, mais c’est malheureusement souvent le cas, le système l’emporte sur le commun. Qu’importe les cris, qu’importe la douleur, le Mal a triomphé et le spectateur ne peut que se laisser submerger par la colère. C’est le but du film, percuter et faire bouger les consciences pour que la tolérance soit plus forte que la haine. Bigelow n’est pas toujours délicate dans ce qu’elle veut montrer, DETROIT est probablement moins fou que DEMINEURS et moins grandiose que ZERO DARK THIRTY, mais il bouscule tout autant.   ​

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