Le pont de la rivière Kwaï, l’histoire d’une superproduction grandiose

Si les plus grands films du cinéaste David Lean arrivent à partir du PONT DE LA RIVIERE KWAI (DOCTEUR JIVAGO, LA FILLE DE RYAN et le chef-d’oeuvre absolu LAWRENCE D’ARABIE), il avait déjà mis en scène quelques longs-métrages sublimes (dont BREVE RENCONTRE, OLIVER TWIST ou encore LE MUR DU SON). Mais son adaptation du roman éponyme de Pierre Boulle va lui ouvrir les portes de la gloire.

Une adaptation compliquée

L’action se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, pendant l’épisode tragique des marches forcées organisées par l’armée japonaise. Des prisonniers anglais sont conduits au-delà de leurs

forces, sur les bords de la rivière Kwaï, en Birmanie. Là, ils participent, malgré eux, à la construction d’un pont de bois à portée stratégique. Carl Foreman, scénariste du TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS, découvre le roman de Boulle et décide rapidement d’en tirer un scénario. Lorsque David Lean arrive sur le projet, le script ne lui plaît guère. Il décide alors de le remanier avec l’aide de Norman Spencer, son producteur sur ses trois précédents films. Mais cette relation va mettre en évidence quelques tensions…

En effet, LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ est tout d’abord un projet de Sam Spiegel qui a décidé de produire le film sous sa société Horizon Pictures (associée à la major, COLUMBIA PICTURES). Lean a d’ailleurs signé un contrat avec Spiegel qui n’a pas vraiment envie de partager la production avec un autre. Spencer sera donc simplement crédité en tant qu’assistant tandis que d’autres tensions éclatent entre Foreman et Lean. En désaccord sur l’histoire à raconter, ils n’auront de cesse de remanier encore et encore le script pour que celui-ci soit conforme à une vision uniforme. Il faut dire que le cinéaste n’est pas des plus sympathiques envers les scénaristes puisque Spiegel engagera un autre auteur, Calder Willingham, qui ne restera que quinze jours car Lean le déteste !

Une superproduction faramineuse

Dans le rôle du commandant Shears, c’est d’abord Cary Grant qui est envisagé, avant que William Holden ne soit finalement choisi. Lauréat récent de l’Oscar du meilleur acteur pour sa prestation dans STALAG 17, il va toucher un pactole d’un million de dollars plus un intérêt sur les recettes ! Du jamais vu à l’époque. Pour interpréter Nicholson, la production a diverses idées comme Charles Laughton et Ronald Colman. Ce sera finalement Alec Guiness qui se laisse convaincre par Spiegel que le rôle est fait pour lui (alors que l’acteur n’aime pas beaucoup le personnage). Grand bien lui a pris d’accepter : il va obtenir l’oscar du meilleur acteur pour son rôle.

Production dantesque, décors faramineux, LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ est une superproduction exceptionnelle. Comme cette fameuse BO, indissociable du film. David Lean propose lui-même que LA MARCHE DU COLONEL BOGEY soit utilisée par les prisonniers. Conscient malgré tout qu’il sera limité par la censure, il a cette idée qui restera profondément ancrée dans l’imaginaire collectif : le cinéaste propose qu’ils la sifflent. Personne n’est d’accord avec lui, arguant le fait que cette mélodie n’aura aucun impact sur le public. Sûr de lui, Lean s’impose, convaincu du bien-fondé de son intuition. Le compositeur Malcolm Arnold va alors se baser sur cette mélodie pour mettre en boîte une  » contre-marche  » qui s’accordera avec les sifflets. Cela deviendra LA MARCHE DE LA RIVIERE KWAÏ, l’une des plus célèbres compositions de l’Histoire du cinéma.

Le film est en réalité la mise en confrontation de deux civilisations antagonistes, à travers deux de leurs représentants incarnés par Alec Guiness donc et le vétéran Sessue Hayakawa qui joue le colonel Saïto. Cette superproduction a participé, à l’époque, au renouvellement du spectacle cinématographique qui, par la couleur, l’écran large et l’ampleur de la mise en scène, tente freiner la montée en puissance de la télévision. LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ sera un immense succès, couronné de 7 oscars et réunissant 13 481 750 spectateurs dans les salles françaises en 1957.

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