Un jour sans fin, le joyau de la comédie américaine

C’est vrai, la comédie est au final le genre un peu ingrat du cinéma. Pas qu’elle soit désagréable, au contraire, elle nous donne parfois de très bons moments, des éclats de rire, nous transporte dans les hautes sphères de la joie. Parfois, elle est lourde, peu gérée, dédiée à la gloire d’un acteur en one-man show ou encore écrite de manière bancale. Cela arrive de plus en plus souvent (quelle comédie nous a réellement marqués ces dernières années ?), mais il ne faut pas avoir la mémoire courte et se remémorer certains grands passages dans le genre comique. Il y a eu des grands films malgré la volonté affichée (et primaire, évidemment) de donner du plaisir aux spectateurs. 

UN JOUR SANS FIN fait incontestablement partie de cette catégorie. Nous sommes en 1993 et personne ne croit vraiment à ce concept de l’éternel recommencement qui voit un journaliste imbu de lui-même revivre encore et encore la même journée. Le distributeur décide de le placer dans le mois creux de l’année (à l’époque, cela a un peu changé aujourd’hui), en février. Le concept de la boucle temporelle d’une journée n’a pas été exploité au cinéma en dehors de la littérature (la nouvelle LE TUNNEL DE L’UNIVERS en 1955 écrite par Frederik Pohl). La nouveauté couplée à la répétition des scènes inquiètent le distributeur qui ne voit pas comment  il pourrait rentabiliser son budget plutôt élevé de 32 millions de dollars. Avec plus du double (70 millions) rapporté, on peut dire que le pari a fonctionné. 

Au fil des années, le culte autour du film réalisé par Harold Ramis n’a cessé de croître. il est considéré aujourd’hui comme l’une des toutes meilleures comédies de tous les temps que ce soit chez les

critiques ou le public. En terme de comédie mécanique d’abord (l’agencement des situations, les effets produits sur les personnages, le sens du gag), UN JOUR SANS FIN est proche de la perfection. De ce point de vue, il est franchement intouchable, le scénario étant un exemple de rigourosité. Ce journaliste insupportable, interprété par un Bill Murray au sommet, est doté d’une psychologie dense puisque sa recherche du bonheur correspond souvent avec lui-même. Le concept fantastique (presque divin) de l’intrigue le pousse à agir comme bon lui semble ce qui donne régulièrement un nouvel élan au film. L’incompréhension du début laisse place à la désolation puis à l’abnégation : à partir de là, il va faire ce dont il a envie, de la sculpture de glace à la drague en passant par des gâteaux absorbés en grande quantité !

Puis, sa richesse fondamentale pose des tonnes de questions auxquelles on peut y attacher des dizaines de mythes : l’éternel recommencement comme métaphore de l’impuissance humaine face à la répétition de la vie, ce qui le réfère au mythe de Sisyphe, Phil étant accablé par les Dieux, isolé, questionnant un monde où il se retrouve seul. L’ironie de son sort également, lui qui est condamné à vivre ce qu’il considère comme la pire journée de l’année (celle de la marmotte) encore et encore. Puis, il y a la dimension humaine, les thèmes de la tolérance, de l’ouverture à autrui, de la compassion (autant de valeurs que Phil ne connaît pas). C’est d’ailleurs lorsqu’il s’attache aux autres que la malédiction se brise comme une remise en question terminée au terme d’une infernale boucle (qui, selon le réalisateur, dure 34 ans !). UN JOUR SANS FIN produit le même effet sur le spectateur que sur son personnage principal : on a envie de revivre encore et encore cette histoire pour en connaître le moindre détail !​

Ça tombe bien, dans un mois d’août relativement calme dans les salles, on pourra profiter de revoir UN JOUR SANS FIN dans une version restaurée 4k. Le distributeur LES ACACIAS a décidé de convoquer les cinéphiles pour venir partager leurs éclats de rire qui ne cessent d’être émis depuis 29 ans devant ce chef-d’oeuvre qui n’a pris une ride.

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