Box-Office, le calvaire des comédies françaises en 2022

La fréquentation des cinémas est en baisse sur ce premier semestre, ce qui n’est un secret pour personne. Je précise qu’elle est en baisse par rapport à la période pré-COVID. Celle-ci était, il faut rappeler, historiquement haut depuis quelques années (le cap des 200 millions d’entrées a été dépassé durant 6 années de suite !). Avec près de 64 millions d’entrées en six mois, on ne peut pas non plus parler d’échec, même si les habitués ont beaucoup de mal à revenir autant de fois qu’avant. Peut-être est-ce dû aussi à une programmation pas toujours très attrayante…

Un trio de tête… et les autres

Quoi qu’il en soit, les vrais perdantes de ces six premiers mois sont assurément les comédies françaises. Elles sont sorties à foison durant ce semestre et on peut seulement en retirer trois du lot (et encore, pour l’une d’entre elles, je suis clément) : SUPER-HEROS MALGRE LUI, MAISON DE RETRAITE et QU’EST-CE QU’ON A TOUS FAIT AU BON DIEU ? . Ce dernier est d’ailleurs le film français le plus vu de l’année avec 2,418 millions d’entrées. Une performance ? Non, et c’est là que je vous parle de clémence : quand votre premier volet a attiré 12,3 millions de spectateurs et que le second a cumulé

plus de 6,7 millions de tickets vendus, on ne peut pas parler de succès avec de tels chiffres. Autre fait significatif, la perte de vitesse impressionnante de la franchise qui a complètement dégringolé. Peut-être est-il temps d’abandonner les Verneuil une bonne fois pour toutes… De son côté, SUPER-HEROS MALGRE LUI profite de la popularité de la Bande à Fifi et de spectateurs plus jeunes là où la tranche d’âge principale d’un film comme QU’EST-CE QU’ON A TOUS FAIT AU BON DIEU ? a bien du mal à revenir dans les salles après la crise sanitaire (je parle principalement des plus de 50 ans). Mais avec 1,835 million d’entrées, Lacheau a encore réussi son pari. Enfin, et c’est la seule vraie bonne surprise du lot, il y a MAISON DE RETRAITE porté par l’inénarrable Kev Adams. Avec 2 millions de tickets vendus, on peut dire que la performance est louable en ces temps difficiles.

Pour le reste, c’est la soupe à la grimace pour le genre le plus populaire du cinéma hexagonal. Elles ont pourtant proliféré : LA BRIGADE (383 782 entrées), LES VEDETTES (351 014 entrées), TENOR (340 043 entrées), CHAMPAGNE ! (273 324 entrées), ALORS ON DANSE (235 303 entrées), HOMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS (214 444 entrées), LES FOLIES FERMIERES (166 667 entrées), J’ADORE CE QUE VOUS FAITES (151 107 entrées), TENDRE ET SAIGNANT (140 870 entrées), LA REVANCHE DES CREVETTES PAILLETEES (140 523 entrées), EN MEME TEMPS (125 642 entrées), ZAÏ ZAÏ ZAÏ (93 243 entrées) ou encore MURDER PARTY (72 584 entrées). Une liste non exhaustive qui montre déjà un constat impensable auparavant : en dehors du trio de tête, aucun film n’a dépassé le million d’entrées. Ni même les 500 000, un cap que seul LES SEGPA a franchi (693 206 spectateurs réunis). Une hécatombe qui contraste fortement avec les blockbusters américains qui ont pratiquement retrouvé leur niveau pré-COVID.

Réinventer le genre

Comment expliquer un tel désastre ? Concernant le nombreux affolant de productions, c’est la crise qui est bien sûr responsable puisque certains longs-métrages sont déjà tournés depuis deux voire trois ans. Les distributeurs doivent donc s’organiser pour les sortir alors que ceux-ci ne correspondent peut-être

plus au public actuel qui semble lassé de voir et revoir constamment les mêmes acteurs à l’affiche. Dans une offre aujourd’hui exponentielle avec la télévision et le streaming, le film de cinéma doit redevenir un événement. Peut-être est-il temps de cesser ces histoires parfaites pour le prime time de TF1, mais qui ont peu de valeur cinématographique. Voilà un genre qui a perdu depuis trop longtemps le goût de l’effort voire de toute ambition artistique. Quand on regarde en arrière et qu’on constate ce qu’on a pu faire en termes de comédie il y a quelques décennies, on se rend compte du gouffre phénoménal qui s’est creusé… 2022 est une année charnière, celle de la réinvention. Les spectateurs se déplacent pour voir un film qu’ils n’aimeraient pas voir tranquillement chez eux et c’est pour ça que les blockbusters performent autant. Il faut alors penser la comédie différemment et retrouver un peu de folie.

Des possibilités s’ouvrent à l’horizon et celles-ci lancent peut-être le signal d’un nouveau départ pour ce genre si prisé. Il faudra du temps pour que les habitudes reviennent, mais aussi du contenu de qualité et une approche différente du genre…

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